J’ai parlé de Monsieur X dans un post précédent. Lui dire oui, c’était facile et presque plus fort que moi. Mais j’aimerais vous dire que pour une autre personne en particulier, c’est souvent non par défaut. Non par défaut en raison de l’effort qu’il faut mettre pour dire oui. La principale raison est que, pour lui dire oui, je dois dire non à plusieurs autres personnes et occasions. Et ça, c’est un gros défi. Avant de vous parler de cette personne, laissez-moi vous parler de Vilfredo Pareto. Le principe de Pareto, ou la règle du 80/20, stipule que pour de nombreux phénomènes, 20% des efforts/causes génèrent 80% des résultats/conséquences. Le principe a été nommé d'après Vilfredo Pareto, un économiste italien, qui, en 1895, a remarqué qu'environ 80% des terres italiennes appartenaient à 20% de la population du pays. En découvrant cette inégalité, Pareto a sondé de nombreux autres pays pour découvrir que la richesse était répartie plus ou moins dans des (dis)proportions similaires partout ailleurs. J’ai appris ce principe d’un de mes premiers patrons (un mentor pour moi) chez IBM en 1985. Ce principe fait partie de ma fondation depuis. Mon ami Pareto m’a accompagné dans ma vie professionnelle (manager, exécutif, consultant, coach). 20% des clients génèrent 80% des revenus, 20% des vendeurs rapportent 80% des revenus, 80% du trafic internet circule sur 20% des sites web, 20% des produits amènent 80% des revenus, 80% des plaintes proviennent de 20% des clients… Vous voyez un peu l’obsession. En 1999, mon niveau d’obsession a augmenté de quelques crans avec la publication du livre The 80/20 Principle de Richard Koch, suivi en 2003 de The 80/20 Individual du même auteur. OMG. On porte 20% de nos vêtements 80% du temps, 20% de notre temps apporte 80% de la valeur globale, 20% des gens que l'on côtoie apportent 80% de notre bonheur, 20% de notre liste de ToDo apportent 80% de l’impact positif, 20% des qualités de notre conjoint/conjointe apportent 80% de notre bonheur (d’après une étude du site Tinder!). Ce 20% est essentiel. Mais comment savoir quel qui et quel quoi font partie du 20%? L’important, pour soi, est de découvrir qui et quoi méritent notre énergie, notre attention, notre temps. Pour ce faire, connaître sa mission, son identité, et ses valeurs sont des filtres essentiels pour trier la quantité phénoménale de possibilités où consacrer notre énergie et notre temps. Voici la différence entre les personnes moins heureuses et moins comblées et celles qui sont très heureuses et très comblées : les personnes très heureuses disent non à presque tous les qui et quoi, mais disent oui à eux-mêmes. Ils disent oui aux 20% des qui et des quoi alignés sur leur mission, leur sens d’identité et leurs valeurs. Le reste, c’est non! Le paragraphe précédent constitue 12% (en nombre de mots) du blogue, mais représente 90% de sa valeur totale. La loi de Pareto, c’est comme la gravité; on la subit, qu’on en soit conscient ou non. Aussi bien en profiter. J’ai un ami de longue date qui me visite régulièrement. Je vais l’appeler Monsieur X pour le protéger! Au début de notre amitié, on se voyait beaucoup plus. Avec le temps, la carrière, la famille, la vie quoi, on se voyait un peu moins. Ensuite quelques crises ont frappé. Des crises économiques, familiales, professionnelles; des maladies, des décès, une crise climatique, une pandémie. De l’anxiété qui gruge, comme une érosion graduelle. Une érosion de l’amitié, de la confiance, du sentiment de mieux-être quand on se quitte. Le doute s’installe tout doucement. Est-ce que mon ami est vraiment là pour moi? Est-ce qu’il m’écoute? Est-ce qu’il me comprend? Monsieur X est tellement sûr de lui. Ses opinions sont arrêtées sur une foule de sujets. C’est un expert. Je vis quelque chose de nouveau, il me donne des exemples de ce qu’il a vécu de similaire dans le passé. Et il me dit quoi faire. Je n’ai même pas à demander. Des conseils à la tonne. Je rencontre quelqu’un de nouveau, je lui en parle, et encore les préjugés à la tonne. Eh oui, je l’entends me dire: "Ce genre de personnes, et tatati et tatata…” Tout ça me laisse perplexe. Je lui fais confiance depuis tellement longtemps, mais le doute s’est installé. Mon ami semble doublement vacciner contre le doute. Pas d'ambivalence dans son cas. Pourtant, je lui dis: ”Moins de certitudes, plus de liberté.” Plus de liberté d’être dans le moment présent, pleinement. Quand je parle à mon ami Monsieur X, il me laisse rarement finir ma phrase. Après quelques mots de ma part, il semble déjà avoir tiré une conclusion et le plan d’actions qui va avec. Je parlais de l’érosion graduelle. L’érosion de ma confiance en moi, de mes choix passés et futurs. Mais il me dit: ”Pourquoi penses-tu à ça? Tu as toujours performé. Le passé est garant de l’avenir.” Oui, mais j’ai plus de passé que d’avenir. Je vieillis que je lui dis. Mes certitudes passées ont laissé place, quelquefois, aux angoisses du futur. Mon ami est tellement sûr de lui. On dirait qu’il ne vieillit pas. Nous n’avons pas évolué ensemble, au même rythme. Nos compas mutuels ne pointent plus dans la même direction. En fait, il continue à utiliser un GPS. Dans mon cas, c’est plutôt un compas. Il ne comprend pas que je n’ai plus de destination, seulement une direction. Plus je tente de m’ouvrir, d’être vulnérable, plus il se campe sur ses positions. Je l’entends: “Esprit maléfique, sors du corps de mon ami Paul.” C’est que j’ai eu la mauvaise idée de lui parler de ma petite voix. J’ai tenté de lui expliquer que ma petite voix, elle est petite parce qu’elle chuchote, mais d’un chuchotement bouleversant. J’ai passé plusieurs années à ne pas l’écouter, à ne pas l’entendre. Après un profond fou rire de la bedaine, Monsieur X me dit: ”Elle est petite parce que tout ce qu’elle est bonne à faire c’est du small talk.” C’est petit comme réflexion. Mon ami ne veut rien entendre de ma petite voix. Je crois que ça l'insécurise beaucoup. Et s'il perdait sa place comme mon proche conseiller, pour une petite chose en plus. Je pense qu’il sent son identité en jeu. Je vois encore Monsieur X. C’est très difficile de laisser aller complètement un ami de longue date. C’est comme un morceau de ma fondation. Toucher ce morceau, c’est ébranler la structure du bâtiment. Je vois encore Monsieur X tous les matins. Tout ce qui nous sépare est le miroir. Je l’entends de moins en moins souvent, mais je l’écoute beaucoup mieux. J’ai laissé tomber mes préjugés envers lui et je lui ai pardonné ses excès de confiance. Je l’écoute simplement, avec empathie. Je ne me défends pas quand il m’attaque. Je le laisse exprimer ses émotions. Il voit et il ressent qu’il existe. Ça le rassure. Quand il me quitte, il est beaucoup plus calme. Moi aussi. Et je l’aime toujours. |
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AuteurPaul Robillard, Coach Carrière, Santé, mieux-être et pleine conscience ArchivesCatÉgories |